octobre 27, 2015 · Culture

Passions futiles, de Jean Carrière, La Martinière, 287 p., 16 €

Dans l’actuel paysage littéraire, le dernier livre de Jean Carrière, mort en 2005, ressemble à une vieille bicoque coincée au milieu d’une jungle de buildings ou à un livre classique égaré au rayon Bibliothèque Rose. En marge du brouhaha, il publie aujourd’hui un roman, où, pour la langue, on a des échos de Jean Giono et de Maurice Genevoix, avec un je ne sais quoi qui rappelle les dictées d’autrefois, mais sans radoteuse nostalgie.

L’auteur de L’Epervier de Maheux a, maintes fois, répété que le prix Goncourt 1972 fut un enterrement de première classe pour sa prose tant il n’arrivait plus à écrire sans ressentir le poids de cette récompense.

Jean Carrière né le 6 août 1928 à Nîmes, décédé le 8 mai 2005

Malgré quoi, il a publié une vingtaine d’ouvrages depuis trente ans.

Ici, il se noue avec sa meilleure veine romanesque pour raconter une saga familiale. Le récit s’ouvre en 1917 pour s’achever en 1970, et Carrière prouve – après d’autres – que le même événement vécu par plusieurs personnes entraîne différentes lectures.

Le narrateur fait office de porte-parole d’un groupe d’amis de modestes et diverses conditions qui envient le niveau de vie de la famille de Saint-Martin. À Saint-Bauzile, commune de l’Ardèche, les habitants ont pour plaisir principal l’observation des châtelains dont le fils Jean-Baptiste est beaucoup plus manuel que les enfants issus de la glèbe paysanne. L’aristocratique héritier est capable de démonter un moteur alors qu’ils savent à peine conduire un tracteur. En décalage avec son milieu, le garnement grimpe souvent dans un sycomore afin de fuir les jeux imbéciles des garçons de son âge.

Le train-train quotidien est dérangé par la présence d’Emilie, «beauté à l’état pur» qui joue au clavecin Les Variations Goldberg. En l’écoutant, un paysan s’exclame : «C’est l’antichambre du paradis perdu».

Ainsi, peu à peu, les jeunes villageois subissent-ils le charme d’Émilie d’autant plus qu’ils sont exemptés de participer à la grande boucherie de 1914-1918.
Cinquante ans après les faits, sept d’entre eux, fils de paysans et de petits commerçants, demeurent attachés au souvenir d’Émilie, qui ne peut plus compter sur son mari, Jean-Baptiste de Saint-Martin, désespéré à force de clairvoyance sur ses contemporains. L’époux devient misanthrope dès son plus jeune âge à cause de sa mère qui n’arrêtait pas de lui dépeindre son avenir comme une suite de catastrophes inéluctables.

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